Ce fut la première ficelle de Lyon, ouverte en 1862 et l’un des tout premiers funiculaires urbain dédié au transport de passagers au monde. (Un chemin de fer urbain à traction funiculaire avait été ouvert en 1840 entre Londres et Blackwal par Robert Stéphenson, de même un funiculaire touristique avait été ouvert en 1845 à Niagara Falls (USA), et dès les débuts des chemins de fer des plans inclinés réservés au transport des marchandises ont existé) Elle a malheureusement été fermée en 1967, et son tunnel transformé en voie routière par la suite.
Ce projet est né de la nécessité de relier de manière commode le quartier fortement urbanisé de la Croix-Rousse (40 000 habitants à l’époque de l’ouverture de la ligne) au centre-ville de Lyon pour faciliter les nombreux échanges économique de cette « colline qui travaille ». Or les deux quartiers, quoique très proches à vol d’oiseau, sont séparés par un dénivelé de plus de 80 mètres. Ce relief particulièrement marqué se traduit par des pentes très raides. Cette géographie ingrate rendait donc la circulation extrêmement difficile et très coûteux le transport des marchandises. N’oublions pas qu’à cette époque, la traction des véhicules – hors chemin de fer – est exclusivement animale. Les pentes d’accès à la Croix-Rousse sont donc des obstacles extrêmement pénalisants. Preuve supplémentaire de l’impérieuse nécessité de cette liaison, elle a été une installation pionnière de la forme moderne des chemins de fer funiculaires tels qu’on les connaît maintenant.
Deux ingénieurs, Messieurs Molinos et Pronier ont donc l’idée d’utiliser un système de chemin de fer dont la traction est assurée par un câble entraîné par une machinerie à vapeur. Ceci permettant de garantir un temps de parcours de l’ordre de 3 minutes. Compte-tenu du nombre de passagers attendus, les véhicules sont à impérial. Chacune des deux rame de 3 voiture pouvant charger 324 passagers.
Le projet a été conçu avant que ne soit voté la loi sur les chemins de fer d’intérêt local, aussi la concession est accordée directement par l’État à Messieurs de Polligny et consorts par décret du 26 mars 1859. Le 27 juillet 1860, est créée officiellement la Compagnie du chemin de fer de Lyon à la Croix-Rousse qui devient rétrocessionnaire de la concession par décret du 4 août 1860.
Les travaux sont engagés dès le 5 mars 1860. La nouveauté de ce type d’installation suscite l’intérêt jusqu’au plus haut niveau de l’État, et l’empereur Napoléon III viendra visiter le chantier. Du fait de cette nouveauté, l’installation est soumise à des tests poussés avant sa mise en service, et notamment sur ses systèmes de freinage de sécurité mis au point très récemment. Ce test échoue à cause du poids trop élevé des caisses à impérial. L’une des rames ira endommager la gare basse, causant plus de 40 000 francs de dégâts. Il est donc décidé de « décapiter » le matériel roulant, et, après la réussite de nouveaux essais, les installations sont inaugurées le 1er juin 1862, et ouvrent au public le 3 juin 1862.
Cependant, les voitures, toujours très lourdes, endommagent la voie. Elles seront remplacées dès 1864.
Ce funiculaire est un succès considérable. D’autant que dès le 30 juillet 1863, la Compagnie du Chemin de Fer de Lyon à Sathonay a établie sa gare juste de l’autre côté du boulevard de la Croix-Rousse. Cette compagnie réussi à convaincre les autorités de contrôle de laisser franchir à niveau ses trains le boulevard. Aussi à partir du 3 septembre 1867, elle fait gare commune avec la ficelle. Ainsi, le trafic du funiculaire se monte dès 1863 à 2 millions de passagers, et 4 millions en 1880.
De 1898 à 1904, l’OTL rachète progressivement les actions de la Compagnie du chemin de fer de Lyon à la Croix-Rousse, et l’intègre de facto dans son réseau. Cette intégration est approuvée par décret le 29 juillet 1905, qui entérine le traité d’affermage de l’installation à l’OTL par la Compagnie. Cette même année, le matériel roulant est une nouvelle fois changé. Il faudra en revanche attendre encore 10 ans, et 1915 pour voir l’électrification de la machinerie. Une dernière modernisation interviendra en 1938, avec un changement de caisses sur le matériel roulant.
Enfin, l’installation arrivant en limite d’usure, le syndicat des TCRL choisi de l’arrêter au 31 décembre 1967. L’époque étant au développement de la voiture, la plateforme est réutilisée, après démolition de la gare haute, pour faire une voie d’accès rapide à sens unique montant entre la Presqu’Île et la Croix-Rousse.
La ligne débute sur la rue du Jardin des Plantes, à son intersection avec la rue Terme. Elle suit ensuite un chemin parallèle à la Montée de la Grande Côte. La station basse est à 4 voies, abritées sous une toiture portée par une charpente en bois.
En sortie de la gare basse, les deux voies extérieures se raccordent chacune sur une des voies centrales qui elles restent sans contact l’une avec l’autre. La ligne s’incline progressivement à la pente maximale de 160‰ et passe ensuite sous le carrefour de la rue du Commerce (aujourd’hui rue Burdeau) et de la rue de la Cascade (aujourd’hui rue Lucien Sportisse). Elle longe en tranchée ouverte l’amphithéâtre des trois Gaules et le jardin des plantes puis passe sous la rue des Tables Claudiennes. Les voies traversent ensuite une courte fenêtre à l’air libre bordée de murs de soutènement, avant de replonger dans un court tunnel qui les fait passer sous la rue Neyret. Elles passent ensuite par une tranchée à l’air libre, avant de pénétrer dans un tunnel de 152,43 mètres qui débouche quasiment sur le plateau.
Intérieur de la gare basse, vue en direction de la Croix-Rousse. Au premier plan, se trouve le pont de la rue Burdeau. Cette vue peut être datée du premier quart du XXe siècle (les fils au dessus des voies attestent que l’éclairage des cabines est électrique, et le central téléphonique ne recouvre pas encore les voies). Photo : Archives Municipales de Lyon.
À l’extrémité du tunnel la ligne émerge à l’air libre entre deux murs de soutènement. À cet endroit, les voies sont franchies par le pont à voûte surbaissée de la rue de Crimée. La pente s’adoucit, les voies se dédoublent alors à nouveau, et se terminent quasiment à l’horizontal perpendiculairement au boulevard de la Croix-Rousse, à 489 mètres de leur point de départ dans la gare haute, elle aussi à structure en bois. La ficelle a donné à cet endroit une correspondance quai à quai avec les trains vers Sathonay, Trévoux et Bourg-en-Bresse du 3 septembre 1867, au 14 mai 1914. Après cette date, les passagers en correspondance devront traverser à pied le boulevard.
La ligne était pourvue de 2 voies à l’écartement standard sur toute sa longueur, sauf au niveau des station où chacune des voies se dédoublait. Les rails étaient de type Vignole posés sur des longrines en sapin, elles-même boulonnées sur des traverses en chêne noyées dans le ballast et espacées de 1,75 mètres. Le système de frein de secours automatique ne permettait pas l’éclissage des rails aussi les joints sont renforcé par une selle métallique placée sous le patin des rails. Pour éviter tout risque de cheminement des rails sous l’action des freins de sécurité, des patins métalliques s’engageant dans les selles ont été rivetés au patin des rails. Tout les 5 mètres étaient installées dans l’axe de la voie des poulies en fonte de 30 cm de diamètre (mesuré en fond de gorge) pour le passage des câbles. Les deux voies étaient espacées de 1,75 mètres.
Comme sur la plupart des funiculaires, et pour réduire les efforts à fournir, la machinerie actionne en même temps deux rames, l’une montante, l’autre descendante. Le manque de place au niveau du bâtiment de la gare haute avait conduit à déporter la machinerie dans un bâtiment à l’ouest des voies Le câbles quittant l’axe des voies à l’aide de poulies de renvoi.
Initialement, le mécanisme était entraînée à la vapeur par une machine développant 150 chevaux (112 kW). La vapeur était produite par deux chaudière tubulaires à courant d’air forcé par ventilateur timbrées à 5 atmosphères. Chacune avait une surface de chauffe de 80 m2, et une surface de grille de 1,95 m2. Avant d’être injectée dans les chaudières, l’eau passait par les tubes d’un réchauffeur autour desquels circulait la vapeur d’échappement. En sortie de chaudière, la vapeur alimentait deux cylindre de 680 mm de diamètre et dont les pistons avaient une course de 2 mètres. Ils attaquaient directement tambour principal du treuil de 4,5 mètres de diamètre et de 3,375 mètres de long par l’intermédiaire de deux manivelles. La vitesse de rotation maximale était de 9 tours par minute. Le tambour était à structure métallique avec une jante composée de douves en chêne de 9 mm d’épaisseur pour réduire l’usure du câble. Deux couronnes de freins à bande, chacune large de 225 mm, était flasquées de part et d’autre. L’une servait au frein à commande manuelle, et la seconde à celui actionné par un cylindre à vapeur. L’ensemble de la machinerie permettait de propulser les rames à la vitesse maximum de 2 mètres par seconde, soit environ 7 km/h.
Cette machinerie a été remplacée par une installation électrique en 1915. Le moteur électrique avait une puissance de 475 chevaux (354 kW).
Les frais de première installation de la ligne se sont montés à 3,11 millions de francs.
472592 euro environ
Les installations des deux stations étaient simples, car le temps d’attente restait faible. Les bâtiments était initialement en bois. La gare basse présentait un pignon assez ouvragé côté rue, avec une charpente sculptée. La gare haute montrait, elle un double pignon beaucoup plus austère. Les toitures couvraient les voies à quai.
Vue depuis la rue Terme de la gare basse d’origine en bois du funiculaire. Photo : CC-by-nc-nd Bibliothèque Municipale de Lyon, Fond Sylvestre, cote SA6/3.
Les stations étaient à 4 voies. Cette disposition des voies, grâce à la présence de deux câble sur chaque voie et de deux machinerie indépendantes, permettait de faire circuler deux funiculaires, l’un pour les voyageur, et l’autre pour les marchandises, de manière quasi-totalement séparée. Les voitures pour les passagers sont systématiquement sur les voies centrales, alors que les trucks recevant les marchandises sont toujours sur les voies latérales. Cela permet de lancer la rotation du truck pour les marchandises pendant que les passagers montent ou descendent des voitures, et aussi d’avoir tout le temps nécessaire pour charger ou décharger les trucks sans bloquer le trafic voyageur. Les voyageurs accédaient aux trains par le quai central, bordé par les deux voies du milieu. Les passagers arrivés à destination quittaient la rame par les quais latéraux des voies centrales. Les marchandises et les véhicules accédaient et quittaient les trucks par les quais à l’extérieur des voies latérales. Cette disposition sera modifiée en 1905, avec la possibilité d’attelage de trucks aux voitures voyageur, et l’abandon des voies latérales.
La gare basse fut reconstruite au moins deux fois. La première fois, au début du XXe siècle le bâtiment d’origine fut remplacé par un bâtiment en rez-de-chassée présentant sur la rue une colonnade. Ce bâtiment fut remplacé le central téléphonique Burdeau en 1928. Du fait du dénivelé, l’espace avait pu être optimisé, la station, intangible avec son accès direct sur la rue Terme, était surmonté par le central posé sur des piliers, et dont l’accès se faisait lui aussi de plein-pied… Mais sur le carrefour entre la rue Burdeau et la rue Lucien Sportisse. La gare haute fut elle aussi reconstruite en 1922. Les voies étaient alors couvertes par une charpente métallique.
Il y eu trois générations de matériel sur la ligne.
Celle d’origine, mise en service en 1862 devait permettre de faire 2 rames voyageurs à impérial pouvant aller jusqu’à 3 voitures d’une capacité unitaire de 108 passagers. Chacune des deux rames avait donc une capacité maximale théorique de 324 places. L’étage bas était divisé en 5 compartiments. Celui du milieu à 10 places était celui de 1re classe. Les 4 autres de 12 places chacun, ainsi que l’impérial fermé à 50 places étaient la 2de classe. L’impérial était traversé par un couloir sur toute sa longueur. Sa hauteur était suffisante pour y circuler debout. On y accédait par des escaliers en bout de caisse. Les voitures avaient une masse à vide de 12 tonnes, une longueur hors tampons de 8,46 mètres, et une largeur de 2,84 mètres. Le châssis était à deux essieux. Il avait un empattement de 3,69 mètres et une masse de 6,2 tonnes. La caisse avait une longueur de 7,19 mètres une hauteur de 3,798 mètres et une masse de 5,8 tonnes. 6 caisses de ce type ont été livrées. Au vu de l’échec des essais de freinage, ces voitures ont été réduite à un seul niveau avant même la mise en service. À ce matériel pour les voyageurs s’ajoute deux trucks pour les marchandises, destinés à circuler indépendamment, comme expliqué dans le chapitre précédent.
Malgré l’allégement lié a sa diminution de hauteur, le matériel voyageur s’avéra cependant rapidement trop lourd et agressif pour la voie. Aussi dès 1864 furent livrées 4 voitures, deux comportant 12 places assises et 68 debout, destinées à être accrochées en permanence au câble (numérotées 7 et 8), et deux remorques (numérotées 9 et 10) de 24 places assises en 1re classe, 12 places assises et 48 places debout en 2de, attelables en fonction de l’affluence.
En 1905, tout le matériel roulant fut renouvelé avec la livraison de deux caisses pour les voyageurs, et de deux trucks pour les marchandises. Ceci provoqua un changement de méthode de fonctionnement du funiculaire. Désormais, chacune des deux rames était composée d’une voiture comportant 12 places assises en 1re classe, 28 places assises et 56 places debout en 2de , d’un poids de 11 210 kg (numéros 13 et 14), avec la possibilité de lui atteler un truck pour les marchandises d’un poids de 7 588 kg (numéros 1 et 2)
Intérieur de la gare haute après sa reconstruction.
Enfin, en 1938, les caisses des voitures furent changées.
Il est à noter que si initialement l’adjonction du truck marchandises à la rame voyageurs n’était prévue qu’à la demande, en fin d’exploitation, l’attelage était permanent et servait exclusivement à transporter les passagers n’ayant pas trouvé de place dans la voiture, ou ceux se déplaçant avec un vélo.
Rame de la ficelle entrant en gare de la Croix-Rousse en 1967 vue depuis le pont de la rue de Crimée. Photo : CC-by-sa, jhm0284.
Les seuls vestiges de cette installation sont les tunnels, les tranchées (quasiment toutes couvertes, désormais) actuellement utilisés comme montée routière à double voie, ainsi que l’immeuble, aujourd’hui désaffecté, surplombant la gare basse, initialement central téléphonique Burdeau, et qui fut entre 1989 et 2002 un musée des télécommunications. Des rumeurs rôdent sur l’éventuelle retransformation de l’infrastructure pour les transports publics. Néanmoins rien de réellement sérieux n’est envisagé à ce jour. Il faut dire que les correspondances ne seraient pas évidentes, en particulier en gare basse, loin du métro, ou de toute ligne performante de transport en commun.
Vue extérieur du troisième bâtiment de la gare basse, surmonté du central téléphonique Burdeau. Ce bâtiment existe encore en 2013, bien qu’il soit désaffecté. La gare, en rez-de-chaussée sert à la fois de parking, et d’accès au tunnel désormais routier. Photo : CC-by-nc-ndBibliothèque Municipale de Lyon, Fond Sylvestre, cote S585.
source: http://www.ferro-lyon.net
Bonjour,
Je découvre votre très intéressant post. (et vous en remercie !) Pour un travail sur les Pentes de la Croix-Rousse je cherche à découvrir l’usage du bâtiment montré par la première photo du post. Avait-il, selon vous, un rôle ? Je le suspecte d’être justement cet ancien local de production de vapeur… sans pouvoir en être sûr.
Mais sa position sur le mur de soutènement tant à laisser penser qu’il s’agit également d’un des derniers vestiges.
Savez vous quelque chose à ce sujet ? (si vous avez des plans…)
Bonne journée !
Way cool! Some very valid points! I appreciate you writing this post and also the rest of the site is also really good.|